Quantification du soi
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Quantification du soi et relations humaines sauce techno

Combien de pas avez-vous marchés, combien de kilomètres parcourus, pouls et calories dépensées, les relations humaines sont maintenant à l’heure de la quantification du soi. Après l’égo-portrait, bienvenue dans l’ère de la compétition entre les personnes à grands coups de « Mon pouls est meilleur que le tien… »

Quantified self (Quantification du soi) et relations humaines

La scène se déroule au réveillon de Noël cette année. On parle santé mon frère et moi, s’enquérant chacun de celle de l’autre. Armé de son téléphone intelligent, voilà que Daniel me montre les kilomètres roulés lors du tour du Lac St-Jean, mais aussi son poids, pression artérielle, pouls, et ce, à différents moments de sa semaine. Il y avait quelque chose de profondément surréaliste pour moi dans ce moment. C’est bien moi le plus « sur le tard » des deux ; cette habitude dans les conversations est devenue monnaie courante dans les relations humaines. Il s’agit du Quantified self¹. Nos appareils, et maintenant des vêtements, se chargent de la quantification du soi. Nous sommes, dans toute notre personne, auscultés, monitorés, analysés puis comptabilisés par les appareils que nous peinons à arriver à payer.

Les usages actuels de la quantification du soi

Au CES 2015, il s’agit des principales innovations proposées. Des souliers, montres, lunettes, mais aussi vêtements d’entrainement, ceintures, imaginez le vêtement et vous pouvez y trouver une partie du corps pouvant transmettre des données d’état à propos de notre santé. Bien exploitée, à l’ère où le regain de popularité pour le jogging, l’escalade, et l’entrainement physique en général a la cote, nous sommes devenues, notre « soi » et la perception que nous en avons, un marché à exploiter.

Les réseaux sociaux, porte-voix du soi en compétition avec le soi de nos « amis »

Vous avez certainement vu passer sur Facebook le nombre de kilomètres courus par une ou un ami(e). On a tous notre propre réaction à ce genre d’information. On trouve la personne courageuse, motivée, exhibitionniste, orgueilleuse, c’est selon. On réagit et commente, sincèrement ou non, en se sentant obligés.  On se sent membre de ce groupe en en faisant partie, ou on se sent exclus, disqualifiés, sous-qualifiés.

Le tracking personnel par la quantification du soi est donc une forme de « qualification du soi ».

Ces partages de donnés font donc des sous-ensembles relationnels sans que la personne ne le fasse directement, mais aussi un thème éditorial. Groupe de coureurs, groupe de gens à la diète, groupe de cycliste, d’ex-fumeurs, de stressés au pouls élevé, etc. On se « qualifie » au sein d’une partie de notre réseau

Quantification du soi ou qualification du soi?

Le tracking personnel par la quantification du soi est donc une forme de « qualification du soi ». Ces données viennent prouver, affirmer preuves « technologiques » à l’appui que nous sommes « en forme ». Or se questionnait-on hier notamment à Radio-Canada, à quand le pont entre les données et une réelle stratégie « motivationnelle ». Courir son premier kilomètre demande énormément de motivation, accepter de ne pas se « comparer » à ceux qui en affichent 17 quotidiennement est autre chose.

Or au-delà des efforts investis dans le raffinement de ces technologies, ce sera dans la qualité des stratégies logicielles, dans leurs capacités de s’adresser à la personne en tant qu’individu et non en tant que personne en « compétition » avec les autres qu’on pourra prétendre à une existence utile pour ces technologies.

Verra-t-on un jour, sur les sites sociaux ou sites de rencontres une option de partage des données de quantifications du soi pour mieux se « qualifier » dans nos rencontres et choix de l’autre? Chose certaine, publier est prendre position, donc par conséquent être associé, ou s’associer indirectement à une communauté, un groupe de personne ou d’auditoire. Les communautés ont des comportements et des coutumes qui créent donc des adhésions et des exclusions, par choix personnel ou indirectement par leur contenu.

Il en sera de même pour la quantification du soi. J’apprécie savoir combien d’économies j’ai réalisées suite à mon arrêt du tabac, les améliorations en temps « réel » de mon état de santé. Le partager? Pas toujours. Et vous?


¹ Définition du Quantified self sur Wikipedia

 

 

 

 

Bidouilleux techno depuis l’âge où ses frères lui donnaient juste ce qu’il faut de chocs électriques avec des kits Radio-Shack trafiqués, il s’adonne à la programmation dès l’âge de 9 ans. Humaniste, bouddhiste et geek non pratiquant, religieux du logiciel libre et du télétravail, allergique aux paravents, il a le drôle d’idéal de faire tout ce qu’il peut gratuitement, ce qui occasionnera une certaine forme de pauvreté, mais pas du tout en curiosité. Sa phrase préférée : « Ça doit pouvoir se faire ! » On doit souvent lui indiquer où ne pas aller sur un serveur et lui rappeler ce qu’il fait de mieux, lire des magazines, des bouquins de philosophie, de géopolitique et de vieux classiques.

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