Blog

Un Innu dans la cour

Nomwestaden ! qu’il crie le nez en l’air en sortant.

Il s’appelle Hal, c’est un Innu. C’est le premier matin qu’il lance dans la cour extérieure un cri au ciel. Personne ne va vers Hal. La cour est aussi pleine de préjugés qu’à l’extérieur. Il pèse les mêmes idées préconçues sur lui que sur tous les autochtones : des alcooliques, des drogués, des violents, des lâches.

Quand Hal est revenu de sa marche on était presque 50 dans la cour, clope à la bouche.

-Qu’est-ce que ça veut dire ce que tu as crié en sortant ? que je lui demande poliment.

-Nomwestaden ? Ça veut dire  » Je me sens seul ! « , qu’il me répond.

O O O

J’ai pris le temps de me rapprocher de lui pour quelques autres matins. Il a l’un des français les mieux parlé que j’ai eu la chance d’entendre. Sa voix rauque et grave en fait une mélodie qu’appuie sa grande dignité, son humilité. C’est une vive intelligence que son environnement culturel, qu’on a nous-même créé faut-il le rappeler, son environnement culturel donc, n’a pas pu mettre en valeur.

Quand il est retourné dans sa famille pour Noël, tout un tas de chicanes étaient lancées avec l’alcool qui coulait de partout. Lui il avait pas bu depuis 3 mois. Personne l’a félicité. Que des haleines de fond de tonne pour lui rappeler comment c’est difficile, être seul. Seul à pas boire aux Fêtes,seul à choisir de s’en sortir, seul à le faire parmi les blancs indifférents, seul chez-lui à apprendre à gérer la vie sans la bouteille.

O O O

Ils font un drôle d’exercices où je suis actuellement. Vous allez sur la scène et tout un tas de gens vous crient après tout un tas de trucs aussi stupides parfois que méchants. Ça semble très soulageant pour eux. Rien qu’à voir le plaisir qu’ils ont à se rendre à l’activité, on sait que c’est un peu l’évolution de la pendaison publique. C’est juste que là ce sont les mots qui tuent. Ils appellent ça de l’aide quand les choses dites sont dans ce but. Visiblement aider est pas le propre de tous.

Hal chaque matin il m’apprend un mot en Innu. Ce matin-là c’était encore une fois mon tour pour la scène à recevoir de l’aide ou le criage, c’est selon. Quand Hal m’a demandé le mot du jour que je voulais apprendre, je lui ai dit : J’ai peur.

-Nakushten ! qu’il me dit, les yeux vers le plancher.

– Alors Nakysten Nomwestaden ! Que je lui ai répondu.

Ça arrive comme ça souvent. J’ai peur et je me sens seul, comme Hal.

 

 

Bidouilleux techno depuis l’âge où ses frères lui donnaient juste ce qu’il faut de chocs électriques avec des kits Radio-Shack trafiqués, il s’adonne à la programmation dès l’âge de 9 ans. Humaniste, bouddhiste et geek non pratiquant, religieux du logiciel libre et du télétravail, allergique aux paravents, il a le drôle d’idéal de faire tout ce qu’il peut gratuitement, ce qui occasionnera une certaine forme de pauvreté, mais pas du tout en curiosité. Sa phrase préférée : « Ça doit pouvoir se faire ! » On doit souvent lui indiquer où ne pas aller sur un serveur et lui rappeler ce qu’il fait de mieux, lire des magazines, des bouquins de philosophie, de géopolitique et de vieux classiques.

Laisser un commentaire Annuler la réponse.