
Quand ma réflexion finit en piquant du nez
Mon ami il croit qu’il faut réfléchir. Enfin, lui il le fait encore ce matin, suite aux événements survenus hier, la connerie sauvage au nom du Prophète perpétrée par des verrues purulentes de cette religion, dont le message a d’ailleurs rien à voir avec ce qui s’est passé. M’enfin.
C’est pas parce qu’il est con mon ami. C’est tout le contraire, il est particulièrement brillant. Il est un homme de consensus aussi. Pas de ceux qui les recherchent à tout prix. De ceux, cependant, qui tentent toujours d’y arriver, qui les mettent au rang du nécessaire, des outils dont disposent les gens civilisés.
Or c’est tout là le problème, c’est pas un conflit qui nous oppose à des gens civilisés, au sens même du terme de civilisation, mais aussi de civilité, sans même aller jusqu’au tortueux et parfois infantilisant « vivre ensemble ». Il me fait chier à certains niveaux le « vivre ensemble ». Chez-moi et dehors aussi, dans mon appartement comme dans la rue.
Sauf que le vivre ensemble est à la base de ma réflexion ce matin. Et ma réflexion est la suivante :
À quoi réfléchir encore après le massacre chez Charlie Hebdo ?
Parce que avant de réfléchir, je ressens le besoin d’affirmer les consensus suivants qui nous habitent ici en tant que société :
- La liberté d’expression ;
- L’égalité des personnes, telle que définie par nos chartes et nos constitutions ;
- Un accès à la justice pour ce droit à être entendu et défendu ;
- Tout ça selon des normes que nous choisissons de façon commune, à 50% + 1 des voix, avec plus ou moins de justice, on s’entend, dans la façon de pouvoir y accéder.
M’enfin, voilà pour les bases sur lesquelles j’espère que l’on aura pas à se crêper ensemble le chignon. Parce que quelque soit ta religion, la connerie de ta croyance, Raëlien ou athée mais stupide comme il en existe, tu peux participer à ce beau projet qu’est celui de voter, pour établir les cadres et règles du vivre ensemble.
On dit une connerie qui porte atteinte à ce que tu es et te cause préjudice, on a un recours pour les gens civilisés. Tu es blessé? On a un recours pour protéger l’intégrité de ta personne. Tu es encore blessé malgré l’emprisonnement de ton agresseur(e), on a des organismes de soutien, des processus de réparation, des groupes d’entraide. En clair, ici, t’es comme dans le plusse meilleur pays du monde pour manger une claque sur la gueule et choisir que ça fait et ne plus en manger une autre.
Jésus-Christ a fait une crise de talons hauts dans le temple, Mahomet a pété un plomb contre les idoles, Bouddha a quitté femme et enfant les laissant dans leur drame, en clair, nos prophètes manquent pas de couilles ni de pouvoir. S’ils en avaient vraiment marre (en supposant qu’ils existent évidemment), ils attendraient pas que nous, pauvres croyants, prenions les armes contre la une d’un hebdo.
Une nouvelle forme de tolérance pour apaiser la tension
On va commencer par régler un truc, pour avoir fait de la politique, je demande depuis des lunes qu’on retire le mot « tolérance » de notre discours. Qui veut misère être « toléré ». On tolère ce qui nous irrite, nous dérange. On tolère les cris des enfants, on tolère une mouche sur sa joue, tolérer c’est endurer, c’est tout sauf acceuillir. C’est rien de l’acceptation aimante et ouverte, bienveillante et compatissante.
Mais malgré tout je vais offrir quelques changements, à mon échelle, parce que je me sens membre d’une société civilisé et parce que je crois que c’est ce que je peux faire de mieux, pour l’instant.
1. Accepter de dialoguer, sans renégocier la base de nos valeurs, mais d’entendre l’autre
Tu es créationistes, pro-vie, astrologue, shaman, medium, ou croyant? On va jaser en se foutant moins l’un de l’autre. Moi je vais le faire. Je vais même trouver que tu devrais cesser de passer pour le roi des cons quand tu parles. Parce que je crois que tant que tu peux t’exprimer, tu es inclu. Tant que tu es inclu, t’as pas envie de te regrouper avec des gens qui croient qu’on mérite de crever si on pense pas comme toi.
2. Je vais condamner la violence et te demander d’en faire autant
Quand une vedette en appelle à renverser des chars de police, je vais la condamner, quand un agitateur masqué brise des vitres, je vais pas lui donner raison au nom de l’indifférence de notre gouvernement. Je vais en effet faire mon mea culpa de deux poids deux mesures et je vais unilatéralement condamner la violence. J’en attendrai autant dans mon vivre ensemble.
3. Je vais respecter ta religion au point de faire vivre la mienne
Notre gouvernement fédéral a décidé que le financement des partis mangeait une solide raclée au pro-rata par vote. On va faire pareille pour les exemptions d’impôts aux religions « reconnues ». Terminé. Exit. Si on veut un encensoir, on se le paie. Même chose pour tout ce que tu peux imaginer, ami(e) croyant(e).
4. Ta religion chez-toi
T’as parfaitement raison quand tu me dis qu’on parle des deux côtés de la bouche au Québec. Moi aussi les cloches à 10 heures chaque matin, dans ma ville de Mauricie, je trouve que ça fait tellement pas de sens que je leur souhaite une Mosquée avec appel à la prière en porte-voix juste pour les écoeurer aussi. Mais bon, on revient au point 2. On se calme. Alors voilà, on arrête tout ça ce grand bruit tout autour. On fait ça chez-soi, ou dans nos lieux de cultes. Mais terminés les grands bruits… ça tient encore?
5. Une vigie et vigile commune
Nos croyances sont dans le vivre ensemble? Alors on se donne le droit de se regarder dans les yeux. On surveille aussi nos semblables, nos voisins, on s’assure que nos enfants demeurent dans ce vivre-ensemble de paix. On dénonce, aussi, en priorisant…
Le vivre ensemble.
En clair, mon postulat est le suivant :
Nos valeurs sont :
1. Prioriser, promouvoir et protéger la liberté, la sécurité et l’égalité des individus, de toutes croyances ou absence de croyance religieuse ;
2. Assurer la liberté d’expression, comprenant que la parole, le langage, l’expression et la créativité sont le propre de l’individu, et donc son héritage singulier en tant qu’être humain ;
3. Mettre la religion au rang des choix des individus, avec ce que ça lui donne dans l’échelle des considérations en matière de décisions affectant le vivre ensemble.
Malheureusement, là où ça cloche dans mon raisonnement, c’est qu’eux aussi ils voudront affirmer leurs valeurs avant de négocier. Que nos valeurs sont profondément opposées. Qu’un crayon et un fusil, ça jase rarement longtemps ensemble, que les chances ne sont pas égales, quand l’un doit faire des efforts intellectuels pour créer, alors que l’autre reçoit son inspiration d’une puissance supérieure… on part pas du même lieu, on veut pas aller au même endroit, on a pas le bonheur grâce aux mêmes actions, et visiblement, on semble être un obstacle à l’épanouissement religieux de certains autres, au sein du vivre ensemble. La réflexion devra malheureusement se faire autour de la définition d’une levée de bouclier. Et ça, c’est triste pour vrai.