Semaine nationale du Suicide 2015
Semaine nationale du suicide 2015

Choisir la vie, malgré un frère qui a choisi la mort

C’est la semaine nationale de prévention du suicide. Vous savez que mon frère a eu cette idée et est allé jusqu’au bout de celle-ci une nuit de novembre. Ça fait 28 ans si ma mémoire est bonne. Un ado encore. On aura pas eu la chance de voir l’adulte. Ça fait 28 automnes, donc.

Moi, et Michel, en arrière-plan

J’ai eu beaucoup d’automnes depuis. Il m’est même arrivé d’en avoir 4 dans la même année. Ça en fait ça des feuilles mortes, des blues, du vent de face plus fort que les pieds au cul. Imaginez un peu Londres, mais l’avoir dans les tripes à longueur d’année, Météomédia qui fait de la pluie juste pour toi, malgré le soleil qu’ils annoncent, et qui est pourtant là, pour les autres en tout cas.

Ça s’appelle la dépression, les troubles anxieux aussi pour moi, que j’ai nommé Burn Out de nombreuses années pour éviter de commencer un paragraphe par les mots que contient celui-ci. Un Burn Out c’était ma médaille du combattant dévoué. Le trouble anxieux, c’était dire que j’étais peureux, un paniqueux. Pas le genre de sticker que j’ai voulu me coller.

Sauf que c’est long quand tu refuses de soigner le bon bobo. Quand tu magasines le diagnostique puis le docteur s’il le faut. C’est long et pénible. Ce l’est aussi pour tout un entourage. C’est quand je suis devenu conscient de ces deux dommages que j’ai considéré l’idée de Michel, mon frère.

Parce que ceux qui passent à l’acte et ont le malheureux gain de mourir, ce qu’ils oublient souvent, c’est que de cet acte, ils ont présenté à cet entourage le suicide pour solution. Et ça, c’est un drame, c’est pas réparable. Quand celui qu’on aime, admire, prend cette porte de sortie, il vient d’ouvrir un chemin au dead-end du désespoir, un one-way qu’il aurait mieux valu de jamais donner pour choix possible.

Vivre demande autant d’efforts qu’il en faut pour prendre les moyens de cesser de vouloir mettre fin, par la mort, au douloureux mal de vivre, d’être en vie. C’est pas une question d’une semaine par année, c’est une question quotidienne qui demande pour tout ceux qui comme moi souffrent de l’un ou l’autre des troubles de santé mentaux, dans mon cas les troubles anxieux, chez d’autres vous le savez, qui demande donc de s’y mettre quotidiennement. Parce que ça se programme pas en une semaine choisir de souffrir une fois pour toutes et espérer que ça arrête toutes les autres. Le contre-programme vaut bien qu’on s’y mette longtemps, longuement.

Les deux Survivors, mon frère Daniel et moi à Noël 2015

Quotidiennement en n’en parlant pas que pour la cause, une journée par année. Le faire en recevant ces gens, ces nous, avec franchise et non déni, avec accueil et non jugement, avec écoute et non directives moralistes. Parfois, il suffit de dire comme cette épingle, que j’ai dans ma poche intérieure, donnée par ma mère « Je tiens à toi!» Allez aussi loin qu’un chum l’a fait le jour où il m’a pas laissé seul cette journée où je m’étais dit que c’était mon 30 novembre. Il s’appelle Gilles et je suis encore Martin, en vie, et je tiens à lui, et lui dire merci. Alors faites-donc un Gilles pour quelqu’un. Bonne semaine nationale de prévention du suicide.

 

Bidouilleux techno depuis l’âge où ses frères lui donnaient juste ce qu’il faut de chocs électriques avec des kits Radio-Shack trafiqués, il s’adonne à la programmation dès l’âge de 9 ans. Humaniste, bouddhiste et geek non pratiquant, religieux du logiciel libre et du télétravail, allergique aux paravents, il a le drôle d’idéal de faire tout ce qu’il peut gratuitement, ce qui occasionnera une certaine forme de pauvreté, mais pas du tout en curiosité. Sa phrase préférée : « Ça doit pouvoir se faire ! » On doit souvent lui indiquer où ne pas aller sur un serveur et lui rappeler ce qu’il fait de mieux, lire des magazines, des bouquins de philosophie, de géopolitique et de vieux classiques.