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Ici et maintenant lâcher prise riment avec bêtise

Ici et maintenant lâcher prise. Probablement parmis les 5 mots qui ont le plus vendu de livres durant les 20 dernières années. Appliqués à toutes les sauces et cités à la légère, ils sont souvent malheureusement vidés de leur sens pour servir à de justifications à des attittudes et comportements peu louables, voire destructeurs pour soi et les autres. Tentons d’y voir un peu plus clair si vous le voulez bien. On va même le faire avec l’aide de la sagesse de Matthieu Ricard.

Ici et maintenant lâcher prise suggère d’abord un état d’être altruiste, bienveillant et lucide

Je recevais récemment un courriel qui contenait nos 5 mots — ici et maintenant lâcher prise —, dans 2 paragraphes, dont l’objectif du message était de refuser de contribuer à une guérison de certaines offenses commises par le passé et de prendre le temps d’observer comment pouvait être réparée une situation pour assainir le présent et le futur.

Servis avec un vide évident de compassion, peu habilement masqué par une fausse sympathie, le message se coiffait de cette fausse-sagesse des phrases creuses. Ce genre de phrases rédigées de sorte que votre interlocuteur se donne des airs de sérénité sage qui au fond tente tout simplement de vous empêcher de pouvoir objecter à ces grands principes.

Les pièges de la psychologie populaire et des méthodes de positivisme naïf sont au premier chef de piger, comme dans un buffet, dans quelques bouts de phrases ou citation, de se les approprier en dehors de leur contexte et sens profond, pour justifier sa position, aussi peu justifiable soit-elle. En alignant ces quelques emprunts de principes dans un message creux, on peut alors arriver à prétendre à la sagesse bien qu’au fond, on soit égoïste, paresseux, voire insensible.

C’est ici qu’un minimum de pensée critique et de rigueur devraient s’appliquer.

Ici et maintenant lâcher prise, c’est dans la sagesse qu’après avoir constaté lucidement et courageusement qu’on ne peut rien y faire, on accepte  de composer avec

Les Alcooliques Anonymes ont une prière qui vaut son pesant d’or pour interpréter le lâcher-prise : être suffisamment serein pour accepter ce que l’on ne peut changer, et avoir le courage de changer les choses que l’on peut.

Je prends le temps de répéter :

  1. … la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer ;
  2. … le courage de changer les choses que je peux.

Vous le comprendrez, devant le manque de courage de changer certaines choses que l’on pourrait changer, dans sa vie, on hisse parfois le drapeau, en se coiffant de sagesse, de faire partie de ceux qui acceptent des choses en prétendant ne pouvoir les changer.

J’aimerais revenir sur deux mots importants dans le titre de ce paragraphe  : lucidement, courageusement.

Être lucide et courageux devraient être les deux conditions de base à respecter AVANT de lâcher prise. Ici et maintenant lâcher prise parce que, malgré mon courage et ma lucidité, mon regard clair et honnête de la situation, il n’y a rien que je puisse faire pour modifier, changer l’état des choses.

Si cependant par peur de sortir de ma zone de confort, par crainte d’être confronté à ma vérité, je m’enfouie la tête dans le sable comme l’autruche, avec une pancarte « je lâche prise » collée sur les fesses qui ressortent, il se peut qu’au fond, je sois le seul à y croire. Du moins, on peut me croire que je lâche prise, mais on ne dupe personne sur notre égoïsme, notre manque de compassion et de bienveillance envers autrui, et notre « petit bonheur pour soi » et hors de ma vie les autres.

Les mauvais usages du ici et maintenant lâcher prise

Le moine bouddhiste Matthieu Ricard nous éclaire sur le bonheur. Le bonheur authentique, celui qu’on poursuit tous sans trop savoir après quoi on court, bien souvent.

Le principe d’Ici et maintenant nous est hérité des vieilles sagesses philosophiques tout autant que de grands maîtres orientaux, plus particulièrement bouddhistes. Il en va de même pour le lâcher-prise.

Dans ce vidéo de Matthieu Ricard, il nous apprend deux choses que n’est pas le bonheur authentique.

  1. Il n’est pas une suite interminable de sensations plaisantes ;
  2. Il n’est pas égoïste (moi, mon petit bonheur dans mon coin).

Il nous apprend aussi une chose fantastique, à la base, il implique une conception juste de la réalité. Si je dois m’enfouir la tête dans le sable, me cacher la réalité, écarter mes proches pour ne pas faire face à ma réalité, il serait alors pour le moins heureux que je ne me coiffe pas de la sagesse en plus pour justifier ma crainte de voir le réel.

Si pour mon bonheur j’exige des autres qu’ils se nient, qu’ils endossent le caractère iréel et irresponsable de mon regard sur les choses, ce sont au final eux qui paient le prix de mon illusoire sérénité.

Vous pouvez choisir entre un moment présent propre, nettoyé du bonheur insousciant. Vous en faites le choix. On peut choisir de déguster un steak d’un animal élevé et maltraîté jusqu’à notre assiette dans notre ici et maintenant en prétendant lâcher-prise sur les conditions de vie des animaux qu’on bouffe, mais au moins, misère, jouons pas la sagesse !

Bidouilleux techno depuis l’âge où ses frères lui donnaient juste ce qu’il faut de chocs électriques avec des kits Radio-Shack trafiqués, il s’adonne à la programmation dès l’âge de 9 ans. Humaniste, bouddhiste et geek non pratiquant, religieux du logiciel libre et du télétravail, allergique aux paravents, il a le drôle d’idéal de faire tout ce qu’il peut gratuitement, ce qui occasionnera une certaine forme de pauvreté, mais pas du tout en curiosité. Sa phrase préférée : « Ça doit pouvoir se faire ! » On doit souvent lui indiquer où ne pas aller sur un serveur et lui rappeler ce qu’il fait de mieux, lire des magazines, des bouquins de philosophie, de géopolitique et de vieux classiques.

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