
Burn-O : décadence commentée à l’encre acide
Il s’appelle Bruno. Bruno Robitaille. C’est au Café Graffiti que je l’ai rencontré. Penché, arqué au bout de la table, Bruno (Burn-O) vient de s’installer au cœur de sa deuxième maison. Le 4260 Ste-Catherine est (et le 4264) c’est son repère, sa grotte d’artiste. Il y a pondu 5 livres, tous édités aux Éditions TNT en autant d’années. Y’a aussi un sixième, une BD, à laquelle il vient de mettre la dernière touche, entre l’écriture d’un album, 2021, un projet hip-hop, slam, rap, où il déverse, impitoyable, une critique d’un monde qu’il juge, sentence et exécute avec une décadence commentée à l’encre acide.
De toutes les qualités et les défauts qu’on puisse lui trouver suintent une vive, très vive intelligence qui roule aux chevaux vapeur d’une sensibilité peu commune. Une franchise sans filtre, risquée mais sentie et assumée, qui est pas sans rappeler les Falardeau, Poulain et Chartrand. Il s’abreuve au même puit d’indignés, pas mal pour les mêmes raisons, et semble déterminé à tremper la plume dans le même encrier abrasif et inconvenant.
Derrière et dedans Burn-O, on sent l’histoire, les années le vent de face. La déception des mesures d’austérité du gouvernement Couillard qui lui ont coupé l’herbe créative sous le pied, celle des programmes de subventions pour les emplois dans le domaine de la création culturelle qui étaient, avant cette date, soutenus par des programme d’insertion en emploi.
C’est venu allumer sa mèche d’indignation, ça a brûlé sa maison vous dira-t’il, il a souvent l’impression depuis les coupures de marcher sur les cendres en se pointant au Café et de venir souffler sur ses propres braises artistiques. Alors il met le feu, il se le met au cul ce feu là, et il crée.
Il crée comme avant, avant les menaces et les grands tourments chanterait l’autre, il crée comme les résistants, comme l’acharné, et ça s’entend, ça se lit, ça se voit. Je ne suis pas resté le même après avoir lu les ouvrages de Bruno Robitaille. Je n’ai pas non plus été le même quand je suis venu l’entendre un soir de Journée Mondiale du Livre et du Droit d’auteur où il est venu livrer une solide performance.
Son plaidoyer ce soir-là a suscité la réflexion, l’admiration et le malaise. Parce qu’il touche Burn-O. Il met le doigt sur un nombre tellement impressionnant de switchs dans la boîte à breaker qu’on finit par voir notre courant personnel être touché. C’est ce qu’il a de plus juste Burn-O, un pouvoir de couper le courant le temps de nous permettre de voir dans le noir, en soi.
Crédit photo : Éditions TNT